À deux semaines du référendum « Brexit » où les britanniques vont décider si le Royaume-Uni reste ( «in» ) ou quitte ( «out» )  l’Union Européenne, la tension est palpable car les sondages montrent une répartition 50/50 au niveau des intentions de vote. Si jamais le Royaume Uni décide de quitter l’Europe, le Brexit aura des conséquences importantes sur le marché automobile écologique européen, car les modèles les plus vendus sont les Toyota Auris hybride et Nissan Leaf assemblées en Angleterre. Quels seront les impacts concrets en cas d’une victoire du «out» et quelle est la réponse des constructeurs, comme Akio Toyoda ou Carlos Ghosn ?

Toyota Auris hybride production - Brexit

Les Toyota Auris hybride, produit à Burnaston (Angleterre) seront impactés par Brexit

Les modalités du divorce « Brexit » : 5 ans de négociation et des taxes de douane plein pot

Si les britanniques décident de voter contre le maintien du Royaume Uni dans l’Union Européenne, Downing Street (bureau du Premier Ministre britannique) va devoir envoyer le lendemain une lettre à Bruxelles pour activer l’article 50 du traité de l’Union, une «clause de retrait volontaire et unilatéral». Et là, c’est parti pour les négociations qui vont durer quatre à six ans et mobiliseront des centaines d’experts juridiques. Beaucoup de détails  devront être réglés par les britanniques, comme le remplacement des législations qui étaient commune avec l’UE, combler les manques à gagner des agriculteurs, la création des agences de régulation (comme la sécurité alimentaire par exemple)…etc. (voir Bruxelle imagine les modalités du divorce avec Londres)

Une nouvelle relation commerciale va devoir être nouée avec l’UE : les industries britanniques vont perdre leur accès privilégié au marché européen et ils paieront les droits de douane plein pot.
De même les britanniques vont devoir négocier de nouveaux accords commerciaux avec les autres pays comme le Japon, la Chine et les Etats-Unis.
Concrètement, pour un véhicule produit au Royaume-Uni et vendu en Union Européenne, les constructeurs vont désormais payer les taxes d’importation à hauteur de 10% du prix du véhicule. (source)

Quels sont les véhicules hybrides et électriques produit en Angleterre ?

Avec plus de 140 000 Auris / Auris Touring Sports vendus en Europe par an (chiffre 2015), dont la moitié est en motorisation hybride, il est indéniable que le Brexit aura des conséquences importantes pour le constructeur japonais sur le marché européen, car la gamme Auris représente 17,5% des ventes de Toyota en Europe.
Implanté au Royaume-Uni avec Toyota Motor Manufacturing UK, le premier constructeur automobile mondial possède deux sites et emploie plus de 3 300 personnes:

  • Site de Burnaston (Derbyshire) qui a produit et assemblé 190 161 Auris et Avensis l’an dernier (dont 81 883 Auris hybride)
  • Site de Deeside (Galles du Nord) qui produit plus de 200 000 moteurs essence VVT-i dont une partie sert à équiper les motorisations 1,8L HSD des Auris hybrides.

De plus, non seulement les Auris hybrides et Auris Touring Sports hybrides seront impactées, les nouveaux SUV compacts Toyota C-HR produits en Turquie ne seront pas épargnés non plus.
En effet, le site Deeside produira aussi les nouvelles motorisations 1,8L HSD (inaugurées sur Prius 4) qui seront expédiés en Turquie pour être intégrés sur les C-HR.

Même si les Toyota C-HR sont produits en Turquie, leur motorisation hybride provienne de l'Angleterre

Même si les Toyota C-HR sont produits en Turquie, leurs motorisations hybrides proviennent de l’Angleterre

S’il est difficile d’estimer l’impact sur le tarif final des C-HR et l’effet sera sûrement mineur, en cas de Brexit, on peut certainement observer une hausse du tarif des Auris hybrides à hauteur de 10% en raison des taxes d’importation. Commercialisé aujourd’hui en France à partir de 25 200 euros, le surcoût pourrait représenter plus de 2 500 euros!

Côté voiture électrique, c’est Nissan Leaf qui sera impactée en cas de Brexit : à Sunderland, les électriques Leaf à destination du marché européen et d’autres pays comme Israël ou Argentine ont été produites à hauteur de 50 000 exemplaires entre 2013 et mai 2016. Ce site anglais qui emploie 6 100 employés, produit autant de véhicules (Qashqai, Juke…etc) que les 5 usines Renault françaises réunies. Commercialisé aujourd’hui à partir de 29 290 euros, un «out» lors du vote pourrait générer un surcoût de 2 900 euros.

Nissan Leaf sur la chaîne de production à Sunderland

Nissan Leaf sur la chaîne d’assemblage à Sunderland

La réponse des constructeurs : Akio Toyoda vs Carlos Ghosn

Du côté Toyota, le PDG Akio Toyoda rassure les milliers d’employés de Burnaston et de Deepside sur son intention de rester implanté au Royaume-Uni, quelque soit le résultat du vote.
Dans un entretien accordé à Financial Times – Nikkei, le petit fils du fondateur de la marque rappelle qu’il y a 25 ans, ses prédécesseurs ont enterré une capsule de temps dans le site Burnaston, et l’entreprise sera toujours là pour ouvrir cette capsule en 2090.

Dès à présent, comme au Japon, nous sommes face à des moments difficiles sur ce marché britannique. Mais nous souhaitons nous enraciner davantage ici pour livrer des voitures encore meilleures ; quand cette capsule sera ouverte après 100 ans, tous peuvent voir que nous avons construit une véritable entreprise britannique.

Du côté Renault-Nissan, la réaction du PDG Carlos Ghosn sur ce débat Brexit est très différente, avec une vision très financière :

Si les choses changent, nous allons devoir reconsidérer notre stratégie et notre investissement.

Akio Toyoda (gauche) et Carlos Ghosn (droite) incarnent des philosophies très différente en matière de stratégie d'entreprise

Akio Toyoda (gauche) et Carlos Ghosn (droite) incarnent des philosophies très différentes en matière de stratégie d’entreprise

En effet, la gestion d’entreprise est très différente entre le constructeur japonais Toyota et l’alliance Renault-Nissan : l’un prône une organisation d’apprentissage capitalisée sur les valeurs humaines, l’autre est dirigée avec la rigueur cartésienne. Une délocalisation du site Sunderland serait donc probable si Carlos Ghosn estime un coût supplémentaire trop important.

D’ailleurs, en cas de Brexit, Nissan subira des impacts beaucoup plus importants que Toyota, car elle produit deux fois plus de voitures que Toyota sur le sol britannique (aux alentours de 500 000 véhicules Nissan produits par an). Cependant, une délocalisation pourrait également coûter très chère au constructeur, car au delà du calcul financier, Akio Toyoda rappelle que:

Il existe d’autres types d’investissement : dans la recherche, dans le développement et dans l’humain.
Certains investissements sont visibles, certains sont invisibles, et d’autres mettront des années à donner des résultats.

 

Et vous, que pensez vous du Brexit ? Pensez vous que la sortie du Royaume-Uni pourrait être le début de la fin de l’Union Européenne?

 

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