À l’occasion de l’annonce des résultats financiers S1 2016 la semaine dernière, le vice président de Toyota confirme aux journalistes japonais l’intention du groupe à développer  les voitures électriques, alors que le constructeur japonais focalisait son intention exclusivement sur les voitures pile à combustible hydrogène. Aujourd’hui, c’est au tour d’Akio Toyoda (PDG du groupe) d’annoncer un joint-venture interne avec les filiales du groupe, pour former une unité spéciale dédié aux véhicules électriques.

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Le 8 novembre, Takahiko Ijichi, le vice président exécutif du groupe Toyota a annoncé à la conférence de presse une nouvelle «presque» surprenante :

Nous allons développer activement à moyen terme les deux types de voiture zéro émission : voiture pile à combustible hydrogène (FCV) et voiture électrique (EV). Nous allons exploiter les caractéristiques spécifiques de chacune pour contribuer à la résolution des problèmes énergétiques de différents pays et de différents régions.

Bien qu’il a été pionnier en matière de motorisation électrifiée, à travers la commercialisation des voitures hybrides essence-électrique à plus de 8 millions d’exemplaires depuis 1997, le constructeur japonais a toujours été frileux de se lancer dans la course des voitures électriques, et propose à la place les voitures pile à combustible hydrogène, technologie sur laquelle Toyota aurait investi une «somme astronomique». En effet, celle ci permet de réaliser le plein de 500 km en seulement 3 minutes, un avantage jugé décisif selon la vision de Toyota.

Dans la vision de mobilité du futur (2050) de Toyota, elle considère que les voitures hydrogène telles que Toyota Mirai remplaceront les voitures thermiques actuelles, tandis que les voitures électriques jouent un rôle auxiliaire pour les trajets quotidiens urbains, incarnées par des Toyota i-Road, des petites 3 roues électriques individuelles avec 60 km d’autonomie.

Toyota voiture électrique

Toyota i-Road (gauche) et Toyota Mirai (droite) incarnaient jusqu’ici la vision de mobilité propre du constructeur japonais

Toyota détaille sa stratégie de motorisation à court et à moyen terme

Takahiko Ijichi a détaillé alors la feuille de route de Toyota :

  • À court terme, le constructeur continue à optimiser les moteurs thermiques (essence et diesel) pour réduire la consommation et les émissions CO2 / autres polluants.
    D’autre part, Toyota continuera ses efforts pour enrichir la gamme des véhicules hybrides (HEV).
  • À moyen terme les véhicules hybrides rechargeables (PHEV) seront un axe prioritaire pour le groupe.
    Outre la Prius 4 rechargeable commercialisée en 2016, Toyota compte lancer également la gamme Corolla Levin PHEV en 2018.
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Toyota s’est fixé comme objectif de baisser 90% des émissions CO2 de ses véhicules et de cesser la commercialisation des véhicules thermiques (non électrifiés) en 2050.

En terme de R&D, le vice président du groupe Toyota affirme que pour le moment, « les moteurs à combustion interne et la motorisation hybride occupent encore une majorité de nos investissements». Mais avec le temps, la priorité sera déportée sur les motorisations hybride rechargeable (PHEV), pile à combustible (FCV) et électrique (EV).

La voiture pile à combustible reste la voiture écologique ultime, selon Toyota

Takahiko Ijichi insiste sur le fait qu’il n’y a pas de «changement de cap» en considérant désormais la voiture électrique comme une priorité du groupe.
Il nie de façon formelle l’idée selon laquelle Toyota s’orienterait vers les voitures électriques à la place des voitures pile à combustible hydrogène (FCV).

La tendance principale de voiture écologique [chez Toyota] est FCV (Fuel Cell vehicle). En terme d’autonomie, en terme de durée de recharge, la voiture pile à combustible accomplit la même facilité d’utilisation que les voitures essence.
Si la question est «quelle sera la voiture écologique ultime», ma réponse est ferme : c’est la voiture pile à combustible (FCV).

Cependant, il précise que pour réaliser l’objectif d’une «société hydrogène» de Toyota (il s’agit plutôt l’objectif du pays Japon), plusieurs choix sont possibles parmi les voitures écologiques : on peut choisir les voitures hybrides ou hybrides rechargeables, on peut aussi choisir entre les voitures pile à combustible ou voiture électrique.

L’objectif de Toyota voiture électrique : ne pas mettre tous les œufs dans le même panier?

Le vice président de Toyota affirme que la stratégie du groupe c’est d’être «omniprésent» : être présent dans tous les segments dans tous les pays.

Si ça ne marche pas à un endroit, on complétera par d’autres endroits. On peut appeler ça «Gestion de risque» en langage entreprise.
Il n’y pas d’exception pour les voitures écologiques ultimes : tous les voitures écologiques font partie de notre cible de développement.

D’après lui, le constructeur japonais avait travaillé sur les voitures électriques dans le passé, mais ils ont rencontré des problèmes sur «l’autonomie, la durée de recharge et les comportements divers de batterie».

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Toyota avait tenté de commercialiser iQ électrique sans succès : il est grand temps de la dépoussiérer. Photo prise à Toyota City

On sait que le constructeur japonais s’impose des contraintes très sévères avant de commercialiser une nouvelle technologie.
Pour la voiture pile à combustible hydrogène, le constructeur n’a pas commercialisé Mirai avant que celle-ci atteigne les critères internes (source: Nikkei BP), à savoir :

  • Avoir la même fiabilité qu’une voiture thermique Toyota (ce qui se traduit par une durabilité sur 10 ans 100 000 km)
  • Pouvoir fonctionner dans des climats extrêmes, y compris à -30°C (car Toyota a un marché important dans le Moyen Orient ou dans les pays froids comme la Russie)

Ces conditions liées à l’étendu géographique/climatique du marché Toyota pourraient être une des raisons pour lesquelles le constructeur a décidé de ne pas s’aventurer sur ce marché. Or avec les progrès technologiques (comme la pompe à chaleur à injection vapeur mise au point par Toyota, capable de fonctionner à très basse température) et l’arrivée massive des concurrents européens (Volkswagen, BMW, Mercedes…), américains (GM, Tesla…) et japonais (Nissan, Mazda, Mitsubishi…) sur le marché des voitures électriques, Toyota a pris le virage de se libérer ses propres chaînes :

Malgré les problèmes cités, nous allons construire un système de réflexion pour rendre possible la commercialisation des voitures électriques, en fonction de la situation énergétique et de l’infrastructure locale de chaque pays et de chaque région.

En effet, malgré les avancées notables de l’infrastructure hydrogène au Japon, le constructeur japonais a dû s’apercevoir que les choses avancent beaucoup plus lentement dans d’autres pays.
En effet, devant la complexité technique et un coût d’installation élevé des stations de recharge hydrogène, les Etats Unis, la Chine et l’Europe privilégient davantage la solution des voitures électriques, dont les investissements d’infrastructure sont moins lourds à l’étape initiale.

D’autre part, contrairement au Japon qui souhaite diminuer sa dépendance énergétique à travers la production de l’hydrogène (en s’appuyant sur la gazéification de biomasse et du charbon basse qualité, et le stockage tampon des énergies renouvelables), les clients majeurs de Toyota ne sont pas encore dans cette démarche, puisqu’ils peuvent encore s’appuyer sur l’électricité thermique (les Etats Unis et la Chine) ou sur l’électricité nucléaire (l’Europe). De plus, la situation géographique et démographique du Japon (population densément concentrée sur une zone étroite) est aussi très favorable à la solution hydrogène. Avec peu de stations de recharge hydrogène on peut rapidement desservir un grand nombre d’automobilistes.

Mais pour répondre en urgence aux réglementations environnementales de plus de plus strictes de certains pays, dont certaines (le Canada) vont bientôt réclamer un quota de vente des véhicules zéro émission, Toyota a donc ajusté sa vision de mobilité du futur très japonaise et tente de s’adapter à la spécificité de chaque pays et de chaque région.

Le joint-venture de la maison Toyota :  la création de l’unité spéciale électrique

Peu après l’annonce du vice président, le PDG de Toyota a annoncé hier un joint-venture interne : Toyota Motor Corporation, Toyota Industries Corporation, Denso et Aisin Seiki s’unissent pour créer un Bureau de planification de Business Véhicule électrique (EV事業企画室), constitué par une équipe de…quatre personnes (un représentant par entreprise).

Tous les quatre participants du Joint-Venture font partie du groupe Toyota:

  • Le premier étant le constructeur automobile lui même
  • Toyota Industries Corporation est spécialisé dans la production des moteurs et des composants électronique de puissance
  • Denso est l’équipementier automobile généraliste (équivalent de Valeo)
  • Aisin Seiki est l’équipementier spécialisé dans la transmission

Même si la mesure paraît timide, c’est un début de protocole lancé dans le système bureaucratique japonaise (avant de faire, définir qui fait quoi…) et tout peut avancer très vite par la suite.

En effet, contrairement à Volkswagen qui abandonne un grand nombre de recherches pour se focaliser sur les voitures électriques et conduite autonome, Toyota dispose une longueur d’avance en matière de savoir faire des motorisations électriques et surtout, dans sa capacité à les produire en masse. Reste à voir ce que ça peut donner, car les concurrents sont déjà dans la course depuis un certain temps…

Toyota voiture électrique : Game On.

Source : Nikkei BP et Sankei

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