Une enquête réalisée par Le Monde vient de mettre la lumière sur la disparition d’un rapport CNRS intitulé «Diesel et Santé», réalisé par une quarantaine de chercheurs français.
Dès 1997, les scientifiques français ont alerté les autorités sur les risques sanitaires de ce carburant, seize ans avant que l’OMS le classe dans la catégorie des cancérogènes pour l’homme.
Mais les pouvoirs publics et les lobbys constructeurs ont réussi à enterrer ce rapport au plus profond du dépôt des archives.

Crédit image: Le Monde

Même la direction actuelle de CNRS ignore son existence

Ce rapport de 245 pages, un document extrêmement ambitieux pour son époque, n’a jamais été publié.
Pire encore, sollicité par le journal, la direction actuelle de l’organisme de recherche ignore même son existence.
C’est après 5 mois de recherches, qu’ils ont fini par le retrouver dans son dépôt d’archives à Essonne.

Pourtant, cet étude « Diesel et Santé » a mobilisé une quarantaine de scientifiques des universités ou des organismes de recherche publics, afin de livrer une expertise collective sur le sujet du carburant diesel.
Initié à 1993, plusieurs comités ont été formés (combustion des hydrocarbures, toxicologie, aérologie, l’épidémiologie, etc…) pour réaliser cet expertise.
Après quatre ans de travaux, c’est en septembre 1997 que le rapport fut finalisé.

Bloqué par le ministère de recherche (dirigé par Claude Allègre, le même qui a bloqué l’expertise sur l’amiante), un probable jeu de compromis a fini par pousser le CNRS à publier un communiqué de presse en plein mois d’août (passé donc inaperçu auprès des médias), dont le contenu a été complètement transformé:

Les données existantes (…) ne permettent pas d’isoler ce qui a trait spécifiquement au diesel. (…) Enfin, les données sur la qualité de l’air sont agrégées et ne permettent pas de distinguer les sources de rejet de polluants.

Et surtout, ce communiqué va évoquer un groupe de travail fictif, en collaboration avec les constructeurs:

 Le CNRS, les constructeurs automobiles PSA et Renault, les représentants des pétroliers Total et Elf ont décidé de poursuivre leur investigation, en partenariat avec l’Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité et l’Inserm, poursuivait ainsi le texte. Un groupe de travail est constitué (…), chargé de poursuivre les études (…). La première réunion de travail de ce groupe doit se tenir au mois d’octobre [1998].

Aucun auteur du rapport a le souvenir d’avoir travaillé avec les industriels, et interrogé par le journal, CNRS n’a pas retrouvé la moindre trace de ce groupe de travail commun avec les industriels…

Que dit ce rapport « Diesel et Santé » ?

Si les experts français n’ont pas tiré de conclusion définitive, mais les auteurs évoquent «clairement une alerte» sur la dangerosité de ce carburant.

L’action mutagène et génotoxique [qui provoque des dommages à l’ADN] des émissions diesel a été démontrée in vitro.
A long terme, chez le rat, [elles] induisent la formation de tumeurs pulmonaires (…). Il semble que les particules soient plus particulièrement responsables de cette carcinogenèse.

S’il est encore difficile, dans les années 90, de quantifier techniquement les effets du diesel sur le cancer du poumon chez l’homme, les auteurs avaient pu rassembler 25 études épidémiologiques sur le sujet, dont 22 montraient un risque accru chez les humains exposés aux fumées du diesel.

Au final, c’est la préconisation d’équiper tous les véhicules particuliers de filtre à particules, qui sera la principale motivation pour les autorités d’enterrer ce rapport, raconte Pierre Tambourin, figure de la biologie française et l’homme qui a initié ce rapport:

J’ai présenté les principales conclusions en comité de direction du CNRS et je me souviens de réactions assez négatives. Le rapport impliquait que les véhicules diesel soient tous équipés de filtres. Or, à l’époque, cette solution était économiquement viable pour les gros véhicules, mais pas pour les véhicules particuliers. Certains ont vu ce rapport comme une menace pour notre industrie automobile.

Cette histoire laisse un goût acre de NOx dans la bouche et les poumons quand on sait qu’en échange d’un enterrement en toute discrétion du rapport, les constructeurs français n’ont pas totalement tenu leur promesse de généraliser le FAP notamment Renault.

Pour en savoir plus:

Comment un rapport du CNRS sur l’impact du diesel sur la santé a été enterré – Le Monde

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