Le 11 décembre, le Sénat a supprimé l’alignement d’ici à 2017 des avantages fiscaux accordés aux véhicules diesel dans les flottes des parcs d’entreprise sur ceux des véhicules à essence, qu’avait introduit l’Assemblée dans le budget rectificatif 2015, contre l’avis du gouvernement.
Pourquoi les sénateurs suppriment cet alignement pour les flottes d’entreprise?
D’après Cédric Perrin (Les Républicains, Territoire du Belfort) qui a présenté son amendement:
L’ouverture de la déductibilité de l’essence pour les flottes d’entreprise va induire une chute brutale de la vente de véhicules diesel déséquilibrant le marché automobile et pénalisant ainsi les constructeurs français déjà lourdement impactés par l’affaire Volkswagen.
Cette mesure serait déstabilisante économiquement et socialement, d’une part pour toute une filière industrielle qui n’aurait pas le temps nécessaire pour s’adapter, et d’autre part pour le parc automobile dont la valeur patrimoniale chutera lourdement en raison de la baisse inéluctable de la valeur résiduelle des véhicules diesel.
Jean-Claude Lenoir (LR), président de la commission des affaires économiques, a fait valoir que sur le marché français, la part des véhicules diesel est d’ores et déjà passée de 72% des immatriculations en 2012 à 54% en octobre dernier et que cette baisse est encore plus marquée sur le marché des particuliers puisque les flottes d’entreprises, qui représentent environ la moitié du marché total, sont encore diéselisées à 90% grâce au régime fiscal actuel.
Un basculement trop brutal se chiffrerait pour les constructeurs hexagonaux en centaines de millions d’euros de pertes par an sous l’effet, notamment, de l’obligation d’investir dans de nouvelles capacités de production, d’une moindre rentabilité des véhicules essence, de volumes réduits pour amortir le coût de la dépollution du diesel ou encore d’une difficulté accrue pour respecter l’objectif européen d’une gamme émettant au plus en moyenne 95 grammes de CO 2 par km en 2020 sous peine de pénalités financières, a-t-il ajouté.
Il a ajouté que le rapprochement des fiscalités des carburants engagé par le gouvernement constitue déjà un signal fort en faveur d’un rééquilibrage du marché.
Pourquoi les députés ont voté cet alignement fiscal?
Les députés de l’Assemblée Nationale ont voté vendredi 4 décembre, un amendement proposé par les écologistes, par rapport aux voitures des flottes d’entreprise.
Il propos de rendre déductible la TVA sur le carburant essence, comme c’est le cas à 80% pour le gazole.
En effet, il est impossible de rendre non déductible la TVA sur le gazole sous l’effet des directives européennes.
D’après Denis Baupin le député écologiste:
Aujourd’hui, 96 % des véhicules légers d’entreprise roulent au diesel car les entreprises peuvent récupérer 80 % de TVA sur le gazole […] Depuis des années, les écologistes proposent de supprimer la déductibilité pour le diesel, mais les directives européennes nous l’interdisent. Pouvons-nous donc étendre cet avantage aux véhicules essence qui représentent une part infime dans ces flottes puisque 96 % des véhicules de société sont diesel ? Plus de la moitié des véhicules neufs achetés aujourd’hui sont achetés pour les flottes d’entreprise.
D’autre part, il a également soulevé un point absurde:
Au passage, sachez que de nombreux chauffeurs de taxi aimeraient bien passer aux véhicules hybrides – essence et électricité –, ce qui serait le minimum en ville, mais ils n’y sont malheureusement pas incités car ils perdraient cette déductibilité de TVA qui n’existe que pour le diesel. Continuer à bloquer le système est contre-productif d’un point de vue sanitaire.
(Pour en savoir plus: Compte Rendu de la session 4 décembre – Article 30 ; Flotte d’entreprise: les avantages fiscaux diesel-essence alignés)
Est ce que l’alignement fiscal essence-diesel sera définitivement enterré?
Si on se réfère au document suivant qui décrit le fonctionnement du sénat dans la procédure législative:
Comme il y a actuellement une différence entre la vision du Sénat et celle de l’Assemblée nationale, on est (probablement?) dans le process de deuxième lecture.
Mais avec un gouvernement hostile à cet alignement d’avantage fiscal entre le carburant essence et diesel pour les voitures de flottes d’entreprise, il sera probablement retardé dans sa mise en oeuvre.
Comme quoi, il y a du monde pour écouter des jolis rapports parlementaires du genre Les nouvelles mobilités sereines et durables : concevoir et utiliser des véhicules écologiques, mais au moment où il faut voter une loi concrète, c’est le lobby qui compte.
Merci pour cet excellent article. Rien à rajouter. Tout est dit. Et cet exemple (dans l'automobile) existe hélas dans de trop nombreux domaine. Je vous invite à lire la presse étrangère, ou à lire certains livres d'étrangers qui vivent ou ont vécu en France (parfois plusieurs années).Pour le lobbying automobile, je vousconseille à tous d'aller voir Wikipedia sur l'affaire Volkswagen et de comparer les versions anglaises, françaises et allemandes. Rien que les titres sont révélateurs du lobbying des industriels de l'automobile, qui préfèrent rester sur leurs acquis plutôt que de changer.
En Belgique, le gouvernement fédéral l'a fait, c'est d'ailleurs une des rares bonnes choses qu'il ait décidées: dès maintenant, les taxes sur le diesel vont commencer à augmenter progressivement, et l'essence à baisser un peu, de façon à ce que dans 3 ans les deux carburants soient à des prix très semblables.
Pourquoi est-elle critiquée ?