D’après le média Nikkei Business (magazine économique de Nikkei BP), dans une interview récente réalisée par le magazine Nikkei Ecology (filiale du groupe Nikkei BP), il y a quelques années, le constructeur automobile Toyota aurait déjà eu des soupçons sur les performances d’émissions des véhicules diesel Volkswagen, et aurait déposé une demande d’action auprès des autorités européennes.
La raison pour laquelle le constructeur japonais aurait soupçonné la fraude de Volkswagen, c’est qu’au cours du développement de son propre moteur diesel, les ingénieurs Toyota auraient remarqué qu’en respectant les normes de pollution, il serait impossible d’atteindre les performances motrices et la faible consommation de carburant des TDi Volkswagen.
Pour confirmer que ce n’était pas une erreur de leur part, Toyota aurait également comparé avec les données des autres constructeurs concurrents.
Les ingénieurs seraient parvenus à la conclusion suivante : seul un programme de fraude permettrait d’expliquer l’équilibre parfaite consommation/plaisir de conduite/normes des moteurs diesel Volkswagen.
Mais la Commission européenne n’aurait pris aucune action suite à cet avertissement.
EDIT: Suite à la publication de notre article, l’équipe Hybrid Life a pris contact avec Toyota France pour en savoir un peu plus.
Toyota Europe a démenti formellement cet information :
« It is not true that Toyota argued to a regulatory authority in Europe and asked for a crackdown, in regard to emission performance of Volkswagen diesel engine vehicles. »
En français : « Il est inexact que Toyota a plaidé auprès d’une autorité de régulation en Europe et réclamé une intervention concernant les résultats d’émissions des véhicules à moteur diesel de Volkswagen ».
Toyota Europe (TME) a affirmé que personne n’a été interviewé par ce magazine, et les responsables Toyota chargés de liaison avec les institutions européennes confirment qu’aucune demande n’a été faite, en lien avec les performances des émissions de moteur diesel Volkswagen.
D’après le journal Britannique Financial Times, dès 2013, les scientifiques internes de l’Union européenne ont déjà averti de la présence possible d’un système de manipulation des tests des véhicules.
(voir EU warned on devices at centre of VW scandal two years ago)
Mais suite à ce constat, la commission européenne n’a effectué « aucune enquête ».
L’Europe était donc au courant de cette fraude, bien plus tôt que les États-Unis.
Mais c’est suite aux études de l’ICCT (Internation Concil on Clean Transportation) et de la West Virginia University, que l’agence de protection de l’environnement (EPA) américaine a pu dévoiler publiquement la fraude de Volkswagen.
La consommation de carburant réelle ne cesse de s’écarter de la consommation annoncée
La fraude de Volkswagen révèle une problématique majeure rencontrée par les constructeurs automobiles aujourd’hui:
- Comment diminuer la consommation tout en respectant des normées de pollution de plus en plus sévères ?

Écart/Objectif CO2 des différents constructeurs (ICCT – De Laboratoire à la Route 2015)
En préambule, il faut savoir que les émissions de CO2 sont directement proportionnelles à la consommation : moins on consomme, moins on émet de CO2.
Donc dans le graphique ci-dessus, on remarque qu’à partir des données de consommations réelles (tirées de la plus grande base de données européenne Spritmonitor), les constructeurs ont de plus en plus de mal à concevoir un véhicule qui consomme aussi peu qu’ils l’annoncent.
Entre 2001 et 2014, on a diminué de 40% la consommation (donc les émission de CO2), ou du moins, par rapport à ce qui est annoncé dans les brochures.
Mais en même temps, on passe d’un écart labo/réel moyen de 10% à un écart de 35% !
Les constructeurs qui s’en sortent très bien, en arrivant à fournir un véhicule qui consomme « presque » aussi peu qu’annoncé, sont Renault, Peugeot, Ford, Volkswagen et BMW.
Fiat a tout simplement battu tous les records (principalement des petits véhicules), avec un écart très faible de 27-28% !
Or Volkswagen a toujours vendu sa supériorité en « consommation de carburant réelle », vis à vis des autres constructeurs.
Le Compromis impossible entre les émissions NOx et la consommation de carburant
Avec un moteur diesel, si on augmente le rendement thermique, on diminue la consommation de carburant, mais systématiquement, on augmente les émissions de NOx.
(on ne peut pas changer les propriétés de la combustion et des réactions chimiques, par un simple coup de baguette magique, malheureusement…)
Donc peu importe les technologies utilisées, on ne peut jamais supprimer cette relation d’opposition entre consommation et NOx.
Par exemple, prenons le système des vannes EGR qui réinjecte une partie du gaz d’échappement afin d’abaisser la température de combustion, dans le but de réduire les émissions NOx.
Si on poussait le système EGR à fond, on injecterait beaucoup plus de gaz d’échappement, et « on augmenterait la consommation de 30 à 40% ».
(source: JARI Japan Automobile Research Institute)
C’est pourquoi, dans les conditions réelles, on utilise « à un rythme raisonnable » le système EGR, pour préserver la consommation de carburant, et éliminer le reste des émissions NOx avec d’autres dispositifs. Le logiciel de trucage de Volkswagen, désactive probablement les vannes EGR en dehors des tests de laboratoire, ce qui leur permet d’avoir une consommation de carburant très basse, mais en contre partie, cela libère énormément de gaz toxiques.
Un autre problème est la durabilité: le professeur Yasuhiro de l’université Waseda (l’université la plus prestigieuse du Japon) spécialiste du moteur diesel, a souligné que l’utilisation de l’EGR augmente non seulement la consommation, mais accélère également le vieillissement du moteur.
(en réinjectant du gaz contenant des résidus de combustion dans la chambre de combustion, et ce problème est encore amplifié avec un diesel, car la combustion de ce carburant « lourd » produit plus de suies…)

Image d’une vanne EGR diesel – on vous laisse imaginer le gaz injecté dans la chambre de combustion de votre moteur
Ce problème ne concerne pas seulement le système de vanne EGR, mais aussi d’autres dispositifs anti-NOx comme LNT ou SCR (lire à ce sujet Diesel : pourquoi les systèmes de dépollution ne sont pas poussés à fond – Les Échos), dont l’utilisation augmente le coût de maintenance des clients.
Ces compromis impossibles à concilier montrent donc les limites des motorisations diesel : les constructeurs doivent aujourd’hui choisir entre « satisfaction du client » et « baisse des émissions de gaz toxiques ». Mais le client actuel est davantage motivé par « Woah ma voiture elle a du couple! » ou « Woah ma voiture consomme moins que prévu! » que « Ma voiture pollue moins ».
L’affaire de Volkswagen expose donc beaucoup de problèmes : la défaillance de la Commission européenne face à la pression des constructeurs, les limites techniques des moteurs diesel, et la sensibilisation des citoyens à ces problématiques.
On peut se poser la question suivante : une meilleure sensibilisation de la population aux effets nocifs des NOx, pourrait-elle sensiblement impacter leur choix de véhicule ?
Source: Nikkei – les protestations de Toyota contre la fraude de Volkswagen
Ça fait peur sur la fiabilité de nos institutions en cas de tromperie et concurrence déloyale.
C'est bien documenté mais je m'étonne que Toyota n'ait pst fait de même aux Usa là où il était sûr d'être écouté.
Voiture écologique, feu le magazine, indiquait que les vannes Egr ne fonctionnent qu'à bas régime et sont désactivées ensuite sinon on perd beaucoup de puissance. Avec donc les conséquences que tu cites.