La mode des sushis (poisson cru posé sur du riz) s’est répandue rapidement en France…
Mais avec 99% des restaurants Sushi tenus par les chinois (ou pire, ancien propriétaire de kebab reconverti…), on ne sait plus vraiment « qu’est ce qu’un bon sushi »…
Mais cet été, dans une expérience imprévue à 8 heures du matin (après 3 heures de queue) : je peux affirmer que j’ai goûté les meilleurs sushis au monde.
Je vais donc retranscrire, au mieux, les critères pour dire « C’est un sushi parfait réalisé dans les règles de l’art », ou « C’est un vrai restaurant de Sushi ? »
En tant qu’amateur de gastronomie, je suis allé cet été au marché de poisson Tsukiji (équivalent de Rungis) situé en plein cœur de Tokyo.
Arrivé à 3H30 du matin pour l’enchère aux thons, comme à beaucoup de touristes malchanceux, le gardien nous annonce qu’il n’y a déjà plus de places, et après avoir vagabondé 1 heure dans le marché extérieur, je me suis souvenu qu’il existe des restaurants de sushi très renommés, à l’intérieur du marché.
Voilà comment j’ai atterri dans la queue du célèbre restaurant Sushi Dai (qui veut dire Sushi Grand en japonais).
La queue est composée de deux parties, l’une devant le restaurant (45 minutes environ), et l’autre à l’extérieur dans la rue…
Une fois l’Eldorado atteint, et qu’on jette un regard de fierté (« We made it! ») à la foule extérieure, on observe mieux ce petit restaurant dont chaque chef Sushi sert uniquement 3 à 5 clients.
Il est à la fois le chef et le serveur, il échange avec ses clients pour savoir où ils viennent, et ce qu’ils aiment. (et en plus il parle anglais, ce qui est une exception au Japon)
Il existe 2 menus, le menu basique 6 pièces à 2600 yens (20 euros) et le menu 10 pièces « à l’humeur du Chef » au prix de 4000 yens (environ 30 euros).
Évidemment, quand tu as attendu 3 heures, tu ne te poses pas de questions et tu prends le menu le plus complet.
Et commence ainsi une aventure gustative hors du commun…
Pour préparer le palais, le chef commence par nous servir d’une tranche d’omelette japonaise (Tamagoyaki), légèrement parfumée à la ciboulette.
Comme vous pouvez voir, ce sushi Aji (chinchard japonais) est juste une œuvre d’art.
La découpe du poisson est étonnamment précise, laissant voir la peau et les motifs de la chair…
Sur cette photo, vous pouvez également voir que la boulette de riz n’a pas été « compactée », on voit du « jeu » entre les grains de riz.
Le fait d’être suffisamment aéré, permet de ne pas avoir l’impression de mâcher une boule de mastic de riz.
Un chef de sushi a d’ailleurs dit que la boule de riz d’un bon sushi, tenue par des baguettes, doit pouvoir se désintégrer toute seule en 10 secondes…
Si en France, les Sushis sont (parfois) un moyen sain et branché de remplir son estomac… on est très loin de la culture culinaire japonaise.
Au Japon, les sushis, tout comme les grillades (Yakitori), sont en réalité des moments de dégustation, pour apprécier la différence entre les différents morceaux de viande/poisson.
Sur les 3 photos ci-dessus, ce sont 3 morceaux de thon différents, dans l’ordre:
- Thon Maigre (Lean tuna): 赤身 akami
- Thon Semi gras (Semi-fatty tuna): 中トロ chūtoro
- Thon Gras (Fatty tuna) : 大トロ ōtoro
Pour les japonais, le plaisir n’est pas de bouffer 10 sushis de thon identiques d’affilée, mais d’apprécier ce qu’on aime, par la comparaison gustative.
D’ailleurs, le gingembre mariné est fait pour ça : on le mange entre chaque sushi, pour « remettre à zéro » le palet, entre chaque dégustation.
Par conséquent, le goût du précédent sushi n’influencera pas le goût du poisson du sushi actuel.
En parlant du poisson, sa découpe n’est pas aussi simple qu’on pourrait le croire…
Dans le cliché ci-dessus, voyez vous la différence entre un sushi saumon « classique » et celui-ci ?
OK je donne la réponse… contrairement au sushi banal qu’on retrouve à tous les coins de la rue, la tranche de saumon de notre sushi a, non seulement la chair de couleur orangée, mais on voit également une membrane de couleur grise. Il s’agit de la graisse/membrane juste en dessous de la peau du saumon.
D’après les chefs japonais, toute la saveur intense du saumon se trouve dans cette mince couche grise… et meilleur est le préparateur, mieux il arrive à préserver cette couche quand il retire la peau du poisson.
Au niveau de l’assaisonnement, les connaisseurs niveau 1 savent que le wasabi (la « moutarde » japonaise, de couleur verte, qui est en réalité une sorte de radis spécial râpé très finement) doit se situer entre la tranche de poisson et la boulette de riz ; j’ai appris dans ce voyage (dans 2 restaurants différents), qu’on ne doit pas tremper son sushi dans de la sauce soja pour l’assaisonner.
En réalité, le sushi doit être déjà assaisonné : le chef badigeonne la sauce soja (recette maison) sur la tranche du poisson, avant de servir.
D’ailleurs, à chaque fois, le chef insiste: « Ne mettez pas de sauce soja supplémentaire ! C’est déjà assaisonné ! » (Seuls les makis ont échappé à cette règle.)
C’est logique en y repensant… Je comprenais soudainement pourquoi, à Paris, dans les vrais restaurants japonais, mes sushis se désintègrent désagréablement, quand je les trempe dans la sauce soja. Dans un restaurant sushi chinois, le problème ne se pose pas : la boulette de riz étant compressée comme une gomme, elle ne se désintégrera pas…
Pour revenir à l’assaisonnement, le chef est libre d’utiliser ce qu’il veut dans sa préparation, en fonction du type de poisson.
On peut donc avoir du jus de citron vert, des ciboulettes, etc. Et parfois le poisson peut même être cuit ou frit.
Je vais mettre ci-dessous les différents sushis un peu plus exotiques :
Dans l’ordre : oursin, palourde Stimpson (Surf Clam), bébés crevettes, cabillaud poché, anguille frite, et joue de cabillaud.
Pour finir, les lecteurs peuvent remarquer que contrairement à un restaurant Sushi classique où l’on sert les sushis tous ensemble sur une planche, ici, les sushis sont servis un par un, le chef les pose directement devant vous.
Ce qui veut dire qu’il y a moins de 10 secondes, entre le moment où le sushi est fait, et le moment où il entre dans votre bouche !
Et c’est important, car la température change le goût du poisson… (et les chefs insistent, durant la formations de leurs élèves, sur le fait qu’il faut toucher le plus brièvement possible les poissons, pour ne pas les altérer avec la chaleur de sa main).
D’autre part, le contact humain est aussi très important dans un restaurant japonais.
Le fait de pouvoir échanger directement avec le chef, est à la fois plaisant pour les clients et pour lui. Et j’ai bien ressenti que le fait que l’on vienne de très loin, et que ses sushis nous ont remplis de pur bonheur (je n’ai pas d’autre mot pour décrire ce que j’ai ressenti à ces moments de dégustation… J’étais tellement heureux que je lui ai dit : « They are Sushis of Happiness! »), ça l’a rendu heureux aussi.
Je suis également allé dans un autre restaurant de très bon niveau (築地 すし大 本館, à l’extérieur du marché, pour ceux qui ne veulent pas faire la queue), et, non seulement les sushis y étaient moins « qualitatifs », mais en plus, la barrière de langue qui nous a empêché d’échanger avec le chef, a rendu l’expérience beaucoup moins agréable.
Pour finir, j’espère qu’à travers cette expérience, vous saurez ce que sont des très bons restaurants de Sushi au Japon (je pense que même au Japon il n’y a pas énormément de restaurants qui puissent satisfaire tous ces critères), et que vous pourrez même améliorer vous même les Sushis dans votre assiette (mettre du wasabi sous le poisson et badigeonner le poisson de sauce soja)!
Super article pour lancer la rubrique Life Style que tu nous as fait là ! 😉
Moi qui n'aime pas spécialement le poisson ça m'as mis l'eau à la bouche de lire ton article ! Et ça ne fait qu'augmenter mon envie de découvrir le pays du soleil levant 😀
Dans un semaine j'invite ma famille , parents, beau parents, frère à un restaurant de sushi, miam miam.
Dans ce restaurant rien à voir avec les sushi trouver en surface commercial.:cat:
Pour découvrir un peu plus loin le sushi, je vous conseille l'excellent reportage "Jiro dreams of Sushi". Jiro est considéré comme le plus grand Chef Sushi au monde, propriétaire du Sukiyabashi Jiro, restaurant 3 étoiles au Michelin.
Super cet aparté culinaire, merci ! :drool:
ça doit être infiniment plus gustatif que les trucs qu'on trouve au supermarché conditionnés dans les barquettes transparentes … 😀
J'ignorais aussi que le gingembre servait de " reset " aux papilles de la langue !
Oui j'ai entendu parler de lui.
Apparemment il faut réserver très très longtemps à l'avance (genre 3-6 mois)…
Il y a une grande différence entre la culture de restaurant japonaise et française.
En France, le chef se veut créatif et assez généraliste (de l'entrée aux déserts, de la viande aux poissons).
Au Japon, on a souvent des petits restaurants spécialisés dans UN domaine très précis… si on va à ce restaurant, c'est pour déguster le meilleur ramen de la ville. Ils n'innovent pas, mais ils cherchent à perfectionner dans ce qu'ils font.
En France, je ne sais pas s'il existe cette culture de : "je vais à ce restaurant parce qu'il y a là le meilleur bœuf bourguignon en France".
Découpe du thon au marché de Tsukiji : après le film, nous avons dégusté … miam miam … y a pas plus frais 🙂