Le constructeur allemand Volkswagen prévoit d’abandonner son célèbre slogan « Das Auto », dans le but de reconstruire une image plus humble, après le scandale de trucage des moteurs diesel.
Nous allons voir pourquoi ce slogan a été créé, et comment le groupe en est arrivé là…
« Volkswagen – Das Auto » : l’origine du slogan
Ce slogan qui veut dire en français « Volkswagen, LA voiture » était un message marketing simple et puissant.
Il utilise d’un côté la langue germanique pour rappeler aux consommateurs l’image de qualité des produits allemands, mais il insinue aussi la place du leadership de Volkswagen en automobile.
Lancé en 2007 par Martin Winterkorn (qui a démissionné récemment) au salon automobile de Francfort:
Für den gesamten Konzern will Winterkorn ein neues Markenimage schaffen. Der künftige Slogan, den VW auf der IAA in der nächsten Woche in Frankfurt vorstellen will, heißt: » Volkswagen – Das Auto « . Er soll den aktuellen Werbespruch « Aus Liebe zum Automobil » ablösen. » Wer solche Produkte wie wir unter dem Dach einer Marke vereint, kann mit Recht für sich in Anspruch nehmen: Wir sind das Auto « , sagte Winterkorn. « Wir wollen damit sagen, dass Volkswagen genauso ein Gattungsbegriff ist wie Tempo-Taschentücher und Coca-Cola. » (source: » Wir sind das Auto » VW verlegt US-Zentrale)
Je traduis brièvement:
Une entreprise comme la nôtre, capable de regrouper autant de produits sous la protection d’une marque, a ce mérite de dire « Nous sommes LA voiture ».
Nous voulons dire aux gens, Volkswagen est le terme générique d’une voiture, comme Coco-Cola ou Tempo pour les mouchoirs.
Si la marque Volkswagen avait autant d’assurance (pour ne pas dire arrogance), c’est parce que le groupe éponyme avait fait l’acquisition de plusieurs marques majeures.
Entre 2002 et 2007, le groupe VAG possède 2 groupes de marques très célèbres:
- Marques sportives : Audi, Seat (Espagne) et Lamborghini (Italie)
- Marques classiques : Volkswagen, Skoda (Tchèque), Bentley (Royaume Uni) et Bugatti (France)
Quand on a en sa possession toutes ces jolies marques, il y a de quoi donner le sourire aux lèvres et l’envie de sabrer le champagne. C’est aussi en cette année 2007 que Volkswagen AG ambitionne de devenir à terme, le premier constructeur automobile, en terme de volume de ventes.
Toyota barre la route du Cowboy allemand …
Pour parvenir à cet ambition, la cible à abattre est Toyota, le constructeur japonais.
Comme dans « Game of Thrones », le constructeur allemand doit dominer le plus de territoires possibles et y avoir le plus de ventes.
Or Volkswagen étant déjà leader en part de marché, en Chine et en Europe, la seule issue pour chercher la croissance et battre Toyota, c’est sur le marché américain, sur lequel le constructeur japonais occupe 16% du marché en 2007 !
Car sur les autres continents, le marché japonais est impénétrable pour une marque étrangère, tandis que le marché Asie du Sud Est et Afrique demande des voitures pas chères et à faible coûts d’entretien… ce qui est loin du positionnement premium et technologiquement complexe (TSI, DSG) du constructeur allemand.
Pour y arriver, Volkswagen équipe ses gammes avec la motorisation diesel, appelé Green TDi, pour se démarquer des concurrents (notamment la solution hybride essence-électrique de Toyota).
En effet, sur le marché américain dominé par des grosses cylindrées essence gourmandes, Toyota a commercialisé les Prius dont la motorisation hybride permet une consommation et des émissions nocives extrêmement faibles.
La vidéo illustre parfaitement l’image donnée par la Prius aux États-Unis, et son grand nombre d’utilisateurs.
Et pour mettre en évidence les forces en présence, il faut savoir qu’aux USA, rien qu’en 2007, Toyota a vendu plus de 180 000 exemplaires de la Prius, ce qui représente plus de la moité des ventes de Volkswagen, tous modèles confondus, sur le sol américain pour cette même année !
C’est sans doute une des raisons pour lesquelles Volkswagen a envie de reproduire le succès de la Prius avec le Green TDi, une motorisation « propre, économe et plaisante à conduire ».
Pour faire sauter Toyota, il faut sauter Tier 2 Bin 5
Le problème, c’est que dès 2004, les normes des émissions Tier 2 Bin 5 sont entrées en vigueur aux États-Unis.
Ils imposent des seuils des émissions de gaz toxiques NOx, aussi bas que la norme Euro 6, entrée en vigueur en Europe en… 2015. Et les méchants Américains ne font pas la différence entre le gentil diesel et l’essence.
Et cela a posé beaucoup de soucis aux constructeurs allemands qui, n’ont pas assez de poids en lobby pour changer les lois aux États-Unis.
Les ingénieurs de Mercedes-Benz ont alors tout donné pour développer une classe E diesel « édition spéciale » pour être conforme aux réglementations américaines: E220 CDi Bluetec 2007.
Ce sera la première voiture diesel autorisée à être commercialisée aux États-Unis.
Mais pour y arriver, Mercedes a mis des moyens…
Or chez Volkswagen, on trouve que la solution « double sécurité » de Mercedes coûte beaucoup trop cher…
La version TDi ne doit pas être beaucoup plus chère que la version essence, et les coûts d’entretien assez élevés des systèmes de contrôle d’émission de diesel feraient fuir les clients…
Pour avoir l’argent, le beurre et la crémière, Volkswagen a alors fait le buzz avec sa solution diesel propre low cost « Optimisation de moteur + LNT », qui permet à la Jetta d’être aussi propre que la solution coûteuse « LNT + SCR » de Mercedes-Benz.
Les ingénieurs VW étaient tellement fiers qu’ils ont publié un article (PDF) Volkswagen’s New 2.0l TDI Engine Fulfils the Most Stringent Emission Standards dans divers magazines motoristes allemands.
De quoi pousser les ingénieurs Mercedes incompétents au bord du suicide…
La suite… vous la connaissez.
La fin du rêve ?
Il y a trois jours, Volkswagen déclare qu’elle change de stratégie et ne souhaite plus devenir numéro 1 mondial.
https://twitter.com/tomorrownewsf1/status/679269732084649984
Si Volkswagen abandonne cette course, c’est bien parce qu’elle sait qu’avec la perte de confiance des clients américains et l’arrêt de commercialisation des TDi, elle n’a plus aucune chance de croître aux États-Unis.
Or, nous l’avons dit plus haut, le marché nord américain est le SEUL terrain où une avancée de VAG peut changer la donne et de devenir le numéro 1 mondial. Ce retrait est donc un choix judicieusement calculé.
Puis, juste après l’annonce du retrait à la course de volume, Volkswagen annonce aussi la fin du slogan « Das Auto ».
Accompagnée de diverses décisions, comme de développer en priorité la technologie hybride/électrique et la rationalisation des options, Wolfsburg change de cap et suit ce que faisait déjà Toyota, alors qu’elle l’avait raillée jusqu’à présent.
Finalement, cette claque de l’EPA pourrait faire beaucoup de bien à la marque allemande et la ramener dans le droit chemin… Et un jour, ce slogan «Volkswagen – Das Auto » pourrait alors revenir.
Il a fallu opérer un virage étonnant en terme de management pour arriver à un tel revirement. Il est donc probable que la rationalisation (ou lean) à la japonaise donne de bon résultat et fasse faire un bon qualitatif à la marque. Ce type de plan prend 3 à 5 ans dans l'industrie (cf. Renault-Nissan) avant de donner du résultat. Souhaitons leur bonne chance et surtout plus d'hybrides que de diesels.